Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/181

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dans laquelle, non content de l’autonomie accordée par le Gouvernement Provisoire, il revendiquait pour ce pays une liberté absolue et déclarait que, « de son côté, il soutiendrait par tous les moyens les démarches des organisations révolutionnaires tendant à la solution la plus prompte de cette question ».

Aux jours troubles de la sédition bolcheviste à Pétrograd (au commencement de juillet), le Comité Central de la flotte de la Baltique, de concert avec le Comité de Finlande nommé plus haut, proclamait : « tout le pouvoir au Soviet Panrusse des députés, des ouvriers et des soldats. Rallions-nous sur le terrain de la lutte pour le pouvoir de notre démocratie ouvrière ». Et il ne laissa pas approcher de Pétrograd les navires que le Gouvernement Provisoire avait fait venir pour réprimer les troubles.

Peu de temps avant l’offensive le Comité de la région militaire de Minsk renvoya à leurs foyers, pour la durée des travaux agricoles, tous les soldats des dépôts. J’ordonnai des poursuites contre le comité, mais je doute que cet ordre ait eu quelque suite, car, malgré mes instances, le Ministère de la Guerre ne releva pas la responsabilité juridique des membres du Comité, organe collectif, statuant à la majorité des voix, quelquefois par vote secret.

Je citerai, pour conclure, cet épisode cocasse : le comité d’un dépôt de cavalerie, sur mon front, résolut de n’abreuver les chevaux qu’une fois toutes les 24 heures, à la suite de quoi la plupart des chevaux crevèrent.

II serait injuste de nier l’existence de quelques exemples positifs de l’activité des « organisations de l’arrière », mais ils disparaissent sans laisser de traces ni de résultats, submergés par le flot d’anarchie que toutes ces organisations avaient fait monter.

Au point de vue militaire, la question la plus importante était celle de l’attitude des comités à l’égard de la guerre et, en particulier, de l’offensive qui se préparait. J’ai déjà relevé (voir chapitre X) les contradictions intérieures qui se faisaient jour tant dans la conscience des membres du Soviet et des Congrès que dans les instructions, imprégnées de duplicité et de manque de sincérité, qu’ils donnaient aux organisations militaires et qui se réduisaient à l’acceptation de la guerre et de l’offensive, mais sans la victoire.

Telle fut, en somme, l’idée adoptée et mise en pratique par les comités supérieurs, à l’exception du comité du front de l’Ouest, lequel vota, au mois de juin, une résolution bolcheviste, dont le sens était le suivant : la guerre a été provoquée par la politique annexionniste des gouvernements ; c’est pourquoi le seul moyen de mettre fin à la guerre consiste dans la lutte commune des démocraties de tous les pays contre leurs Gouvernements respectifs ; si, par contre, la guerre se termine par la victoire décisive de tel groupe de puissances sur tel autre, ceci ne servira qu’à fortifier le militarisme au détriment de la démocratie.