par régiments, par groupes de deux escadrons, par sotnias séparées. L’élément cosaque est le seul de toute l’armée qui ait ignoré la désertion.
Au début de la révolution, dans tous les groupes politiques — et aussi chez les représentants des pays alliés — on s’intéressa passionnément aux troupes cosaques : les uns fondaient sur elles des espoirs irréalisables, les autres, sans réticence, les déclaraient suspectes. Les groupes de droite attendaient des Cosaques la restauration ; les bourgeois libéraux voyaient en eux les défenseurs vigilants de l’ordre public ; les gens de la gauche, hantés par le spectre de la contre-révolution, s’efforcèrent, par une agitation politique forcenée, de désorganiser leurs régiments. Entreprise facile à l’époque : une sorte de découragement et de repentir était alors la note dominante dans les assemblées, dans les congrès, dans les « cercles », dans les « conseils » des Cosaques. Ceux-ci accusaient le pouvoir renversé naguère par la révolution de les avoir toujours, par système, dressés contre le peuple.
Les Cosaques, surtout dans leurs territoires situés en Russie d’Europe, entretenaient avec la population agricole des relations infiniment compliquées ([1]). Parmi les lots qui leur appartenaient s’insérait toute une bigarrure de terrains : les terres des paysans aborigènes, habitant le pays de longue date, d’autres terres, affermées à long terme, où s’étaient développés de grands villages, d’autres enfin, données en fiefs par le pouvoir suprême à divers personnages, et tombées peu à peu entre les mains d’immigrés. Avec la révolution cette complexité fit surgir des conflits qui se manifestèrent par des violences et par des usurpations. Le Gouvernement Provisoire jugea nécessaire d’adresser le 7 avril aux troupes du Don (aux aspirations desquelles se conformaient les autres) une proclamation qui reconnaissait « les droits historiques, intangibles des Cosaques sur leurs terres ». Quant à la population immigrée dont la propriété « était de même étayée par des droits historiques », elle recevrait satisfaction — dans la mesure du possible — lorsque siégerait l’Assemblée Constituante. Ce dilemme agraire, qui touchait aux intérêts les plus impérieux des Cosaques, fut éclairci sans la moindre équivoque au Congrès panrusse des paysans, en mai, par Tchernov, ministre de l’agriculture. Ce dernier déclara que vu la grande étendue des terres appartenant aux Cosaques, ils allaient se voir forcés d’en céder une partie.
Dans les territoires cosaques, cependant, on étudiait avec une ardeur passionnée les questions de « libre disposition » et d’ « autonomie ». La presse donnait à ce sujet des renseignements peu clairs, souvent contradictoires. Aucune voix n’avait exprimé encore les sentiments des cosaques dans leur totalité. Il est facile de concevoir
- ↑ Il y avait, dans le Don, 48 % de paysans et 46 % de Cosaques.