Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combattre, mais pour appuyer nos revendications. Nous devons posséder une force militaire, si nous voulons que la future conférence internationale de la paix discute avec nous ».

En réalité, le corps n’alla pas au front (son organisation ne fut d’ailleurs point achevée). Il refusa de s’immiscer dans les affaires intérieures de la Russie (lutte contre le bolchevisme, dès octobre). Il se transforma bientôt en « armée étrangère » à la solde et aux ordres du haut commandement français.

Mais, d’autre part, les espérances des nationalistes polonais ne se réalisèrent pas non plus. Tandis que se précipitait la débâcle générale, tandis que le front s’écroulait, au commencement de 1918, après l’invasion des Allemands en Russie, le corps fut, en partie, fait prisonnier et désarmé ; en partie, il se dispersa. Les débris des troupes polonaises trouvèrent, dans la suite, un accueil hospitalier à l’Armée des Volontaires.

Personnellement je dois remercier, en passant, le premier corps polonais. C’est à quelques-uns de ses régiments, installés à Bykhovo, que nous avons dû, pour beaucoup, la vie du général Kornilov et des autres généraux prisonniers, aux jours mémorables de septembre à novembre.

* * * * * * * * * * * *

Des forces « centrifuges » avaient bouleversé le pays et l’armée. À l’intolérance qui régnait entre les classes, entre les partis, vinrent s’ajouter les haines de races. Celles-ci s’expliquaient en partie par les circonstances historiques et par les relations qui s’étaient établies, au cours des siècles, entre les diverses peuplades habitant la Russie et le gouvernement impérial. Mais, d’autre part, elles étaient dénuées de toute base solide, de tout fondement raisonnable, déterminées qu’elles étaient par des motifs qui n’avaient rien de commun avec une conception saine du sentiment national. Ces haines, jadis dissimulées ou réprimées, éclatèrent brutalement au moment précis où le pouvoir central entrait, délibérément et sans arrière-pensée, dans la voie de la décentralisation la plus large, au moment où les droits historiques des éléments composant l’État russe étaient hautement reconnus, au moment où les diverses races, où les diverses « cultures » allaient pouvoir disposer librement d’elles-mêmes.