Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ordres. Ce dernier commissaire, au jugement des chefs, nous est d’un grand secours.

Un autre principe de désorganisation, ce sont les comités. Il en est, je ne le nierai pas, qui travaillent à merveille et qui font tout leur devoir. Plusieurs de leurs membres ont fait à l’armée le plus grand bien ; plusieurs ont scellé d’une mort héroïque leur dévouement à la Patrie. Mais les services que certains hommes ont rendus ne compensent pas le moins du monde, je l’affirme, l’immense dommage que les Comités ont causé en introduisant dans l’armée la multiplicité des autorités et des chefs, les démêlés, les ingérences, tout ce qui est fait pour affaiblir le pouvoir. Je pourrais citer par centaines les résolutions qui ont suscité le désordre qui ont jeté le discrédit sur l’autorité.

Je m’en tiendrai à quelques faits particulièrement marquants, particulièrement significatifs.

On cherche à se saisir du pouvoir, ouvertement et sans équivoque.

Le journal du comité du front, dans un article du président, exige qu’on attribue aux comités l’autorité gouvernementale.

À la 3ème armée, le comité demande dans une motion — que le commandant de l’armée appuyait, à mon grand étonnement — « d’octroyer aux comités d’armée les pleins pouvoirs du ministre de la guerre et du comité central des députés soldats et ouvriers — ce qui leur donnerait le droit d’exécuter toutes leurs décisions… au nom du Comité… »

Quand on s’est mis, au comité du front, à discuter la fameuse « déclaration », les opinions se sont divisées au sujet du § 14. Les uns ont rejeté la deuxième partie du paragraphe, les autres ont exigé l’introduction d’un amendement : « les membres du comité du front ont le droit, dans des circonstances analogues, de mettre en œuvre toutes mesures utiles et même de faire intervenir la force armée même contre les chefs ». Voilà où nous allons.

Nous trouvons mentionné dans le rapport de la section du Congrès panrusse le droit exigé pour les organisations de soldats de récuser et de recommander les chefs, le droit de participer à la direction de l’armée.

Ne croyez pas qu’il n’y ait là que des théories. Non ; les comités empiètent sur tous les domaines : questions militaires, intérieures, administratives. Et cela est bien en harmonie avec l’anarchie morale et matérielle des troupes — où l’insubordination est un fait général.

Nous étions occupés à la préparation morale de l’offensive. Le Comité du front, le 8 juin, vota la motion : « ne pas attaquer » ; le 18 juin, changement à vue : on décide de participer aux opérations. Le Comité de la 2ème armée a résolu, le 1er juin, de ne pas attaquer ; le 20 juin, il est revenu sur cette résolution. Le Soviet des députés ouvriers et soldats de Minsk a voté, par cent vingt trois voix contre soixante-dix-neuf, de s’opposer à l’offensive.