Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/40

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Quelqu’un devait se rendre maître du mouvement. Après des discussions véhémentes, après un certain désarroi et une certaine hésitation, ce rôle fut assumé par la Douma d’Empire, qui constitua le « Comité de la Douma d’Empire » (1). Le 27 février, celui-ci fit connaître l’objectif de sa nomination dans les expressions réservées que voici :

« Le Comité Provisoire des membres de la Douma d’Empire, a été obligé, dans les circonstances difficiles de la désorganisation intérieure causée par les mesures de l’ancien gouvernement, de prendre en main le rétablissement de l’ordre politique et social… Le Comité exprime la certitude que la population et l’armée l’aideront dans sa tâche difficile qui consiste à créer un nouveau gouvernement répondant aux vœux de la population et pouvant jouir de sa confiance. »

La Douma devint le centre de la vie politique du pays. Il ne fait pas de doute, qu’à ce moment, après sa lutte patriotique et nationale contre le gouvernement abhorré par le peuple, après un grand travail fécond dans l’intérêt de l’armée, la Douma jouissait d’une grande autorité dans le pays et dans l’armée. Aucun autre organe ne pouvait prendre la tête du mouvement. Aucun autre organe ne pouvait obtenir une telle confiance du pays ; aucun autre pouvoir que celui issu du sein de la Douma, n’aurait pu être aussi rapidement et pleinement reconnu comme suprême. Cet événement fut fort bien accueilli par le Conseil des délégués ouvriers de Pétrograd qui, alors, ne prétendait pas officiellement se mettre à la tête du gouvernement russe. Une telle attitude à l’égard de la Douma d’Empire avait fait naître alors l’illusion du caractère national du gouvernement provisoire qu’elle avait constitué.

C’est pourquoi, tandis que certaines unités, qui s’étaient mêlées à la foule armée, saccageaient tout ce qui rappelait trop vivement l’ancien pouvoir, et que d’autres, restées fidèles à ce pouvoir, opposaient de la résistance, des troupes conduites par leurs officiers, avec musique et drapeau, commençaient à affluer vers le palais de Tauride pour saluer, selon toutes les règles de l’ancien cérémonial, le nouveau pouvoir dans la personne du président de la Douma, M. Rodzianko.

Le palais de Tauride offrait un spectacle extraordinaire : législateurs, hauts fonctionnaires, soldats, ouvriers, femmes… Parlement, camp militaire, prison, état-major, ministères… Ici accouraient tous ceux qui cherchaient abri et protection, qui attendaient des directives