Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/52

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Le jour même fut publiée la « déclaration » du grand-duc Michel Alexandrovitch :

« Un lourd fardeau m’est imposé par la volonté de mon frère, qui m’a transmis le trône impérial de toutes les Russies au moment d’une guerre sans précédent et des troubles populaires.

D’accord avec le peuple entier, inspiré de l’idée que le bien de notre patrie est au-dessus de tout, j’ai résolu fermement de n’accepter le pouvoir suprême qu’au cas où telle serait la volonté de notre grand peuple, auquel il appartient, par un vote national, par l’intermédiaire de ses représentants à l’Assemblée Constituante, de déterminer la forme du gouvernement et la nouvelle Constitution de l’État Russe.

« En invoquant la bénédiction divine, je prie tous les citoyens de l’État Russe de se soumettre au gouvernement provisoire, créé par l’initiative de la Douma d’Empire et investi de la plénitude du pouvoir, jusqu’à ce que l’Assemblée Constituante, réunie dans le plus bref délai par des élections ayant à la base le suffrage universel, direct, égal et secret, ait exprimé, par sa décision, la volonté du peuple.

MICHEL. »


Après son abdication, le grand-duc s’installa dans les environs de Gatchino et ne prit absolument aucune part à la vie politique du pays. Il y demeura jusqu’à mi-mars 1918, époque à laquelle il fut arrêté sur l’initiative du Comité bolcheviste local, amené à Pétrograd et, peu de temps après, déporté dans le gouvernement de Perm.

Au commencement il courut des bruits selon lesquels le grand-duc aurait réussi à échapper aux bolcheviks avec son valet de chambre anglais qui lui était tout dévoué. Depuis, personne n’a jamais rien su de précis sur son sort. Toutes les recherches entreprises par les organes des gouvernements du Sud et de Sibérie, ainsi que sur l’initiative de l’impératrice douairière, n’ont donné aucun résultat certain. Les bolcheviks, de leur coté, n’ont fourni aucune explication officielle. Plus tard, on crut, cependant, avoir trouvé des indices, d’après lesquelles l’ « évasion » n’aurait été qu’un piège ; le grand-duc aurait été secrètement emmené par les bolcheviks et tué non loin de Perm. Son cadavre aurait été jeté sous la glace.

Le mystère qui entourait la disparition du grand-duc fit naître bien des légendes et même donna carrière, en Sibérie, à des imposteurs se faisant passer pour lui. Pendant l’été de 1918, au moment des premiers succès de l’armée de Sibérie, un bruit, largement répandu en Russie soviétique et dans le Midi, voulait que les troupes sibériennes fussent conduites contre les bolcheviks par le grand-duc Michel Alexandrovitch. Des journaux avaient reproduit son manifeste. Ces bruits et la publication de manifestes apocryphes