Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/54

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Le 8 mars, après avoir pris congé du G.Q.G., l’empereur quitta Mohilev parmi un silence sépulcral du peuple, qui se pressait à la gare. Sa mère le suivit pour la dernière fois de ses yeux remplis de larmes.

Pour comprendre l’attitude, étrange à première vue, que le gouvernement adopta vis-à-vis de la famille impériale durant le séjour de celle-ci à Tsarskoé et à Tobolsk, il faut se rappeler la circonstance suivante : encore que pendant les sept mois et demi de pouvoir du gouvernement Provisoire il n’y eut aucune tentative sérieuse de libérer les captifs, ceux-ci étaient l’objet d’une attention toute particulière du Conseil des délégués des ouvriers et des soldats et, dans la séance du Soviet, le 10 mars, le vice-président, Sokolov, communiquait avec l’entière approbation de l’assistance : « Hier, il fut connu que le Gouvernement Provisoire a donné son consentement au départ de Nicolas II pour l’Angleterre et a engagé à ce propos des pourparlers avec les autorités britanniques sans le consentement et à l’insu du Comité Exécutif du Soviet. Nous avons mobilisé toutes les unités armées se trouvant sous notre influence et avons arrangé les choses de telle sorte que Nicolas II ne peut, en fait, quitter Tsarskoé sans notre consentement. Sur toutes les lignes de chemin de fer ont été envoyés des télégrammes en conséquence… pour arrêter le train de Nicolas II au cas où celui-ci partirait… Nous avons envoyé nos commissaires… une quantité suffisante de forces armées avec des automobiles blindées et avons cerné de près le palais Alexandre. Ensuite, nous avons entamé des pourparlers avec le Gouvernement Provisoire, qui a sanctionné toutes nos mesures. À l’heure actuelle, l’ancien tsar se trouve non seulement sous la surveillance du Gouvernement Provisoire, mais aussi sous la nôtre… »

Le 1er août 1917, la famille impériale fut conduite à Tobolsk. Après l’avènement du pouvoir soviétique en Sibérie, l’empereur et sa famille furent transférés à Ekaterinbourg, et c’est là qu’au prix d’outrages inouïs de la part de la populace, au prix des souffrances et de la mort de sa famille et de la sienne ([1]), Nicolas II expia ses torts volontaires et involontaires envers le peuple russe ([2]).

Lorsque, au cours de la deuxième campagne du Kouban, ayant reçu, à la station de Tikhorietskaïa, la nouvelle de la mort de l’empereur Nicolas II, j’ordonnai à l’Armée Volontaire de célébrer une messe pour le repos de l’âme de l’ancien chef suprême de l’armée russe, cet acte fut cruellement blâmé par les milieux et les journaux démocratiques…

Ils oubliaient la parole de sagesse : « c’est à Moi qu’appartient la vengeance et c’est Moi qui châtierai. »

  1. L’assassinat eut lieu dans la nuit du 17 juillet 1918.
  2. Le général Dieteriks a consacré beaucoup de temps, d’attention et de travail à rechercher des renseignements sur le sort de la famille impériale.