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où les croyances vieillies s’affaiblissent et s’écroulent ; où le sensualisme s’étend comme une plaie immense ; à l’heure où les mœurs se corrompent, où les liens sociaux se relâchent ; où le vieux monde erre à l’aventure, sans frein, sans idéal, sans loi morale, comme un navire privé de gouvernail flotte au gré des vents.

Tout homme qui observe et réfléchit ne peut se dissimuler que la société moderne traverse une crise redoutable. Une profonde décomposition la ronge sourdement. L’amour du lucre, le désir des jouissances, deviennent de jour en jour plus âpres, plus ardents. On veut posséder à tout prix. Tous moyens sont bons pour acquérir le bien-être, la fortune, seul but que l’on juge digne de la vie. De telles aspirations ne peuvent produire que deux conséquences : l’égoïsme impitoyable chez les heureux, la haine et le désespoir chez les infortunés. La situation des petits, des humbles est douloureuse ; et trop souvent ceux-ci, plongés dans une nuit morale où pas une consolation ne luit, cher-