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de la cueillotte, sur la mouture. Il violait en cela les privilèges communaux, car les seuls magistrats des villes pouvaient y établir des taxes. Les Gantois répondirent par un refus formel de les payer, et de cette querelle sortit la guerre civile en 1452.

Mais les métiers depuis longtemps n’avaient plus pris les armes, tandis que les troupes mercenaires du duc étaient parfaitement aguerries. Aussi les Gantois, après une série d’échecs, se bornèrent-ils à la défensive, évitant de s’aventurer hors de leurs murs, et laissant le duc épuiser ses ressources sans lui fournir l’occasion d’obtenir des résultats décisifs. Philippe recourut à la ruse : il assiégeait la forteresse de Gavre, occupée par une garnison gantoise, or, le misérable commandant de ce château, gagné par l’or du duc, alla dire aux Gantois : « Voici le moment d’avoir vengeance de Monseigneur de Bourgogne. Ses troupes l’ont abandonné faute de solde : allons l’attaquer ! » Tous les hommes de 20 à 60 ans sortirent de la ville. Arrivés à Gavre, ils se trouvèrent en présence du duc de Bourgogne avec toutes ses forces. Les Gantois durent livrer bataille : ils affrontèrent ces troupes redoutables avec intrépidité. Le duc même faillit périr sous leurs coups. Reconnaissable à son armure étincelante d’or, il s’était jeté avec témérité sur un petit corps de 2.000 Gantois, qui, adossés à l’Escaut, vendaient chèrement leur vie. Son cheval fut blessé, et lui-même ne fut dégagé qu’à grand’peine par ses archers picards. Les Gantois néanmoins furent défaits, et les vainqueurs en firent un horrible carnage : 20.000 jonchèrent la plaine ou périrent dans l’Escaut. Des regrets dit-on, s’élevèrent à leur vue dans l’âme du duc : « Qu’ai-je gagné, s’écria-t-il, c’étaient mes sujets ! »

Il n’en punit pus moins la ville avec rigueur : les magistrats, en chemise[1] et nu-pieds, allèrent au-devant de lui jusqu’à une demi-lieue de la ville. Là, ils tombèrent à genoux en s’écriant : « Miséricorde aux gens de Gand ! » Le duc supprima l’autorité qu’exerçait la ville sur le pays voisin ou quartier de Gand ; elle perdit le droit de nommer ses échevins, et paya une amende de trois dent cinquante mille pièces d’or.

3. Liège (1465). — Seule, au milieu de nos provinces, la principauté de Liège était restée indépendante de la maison de Bourgogne. Mais Philippe le Bon voulut y éten-

  1. Chemise : longue robe noire.