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et Baudouin IX s’assit sur le trône glorieux des empereurs d’Orient. Mais une fin tragique rendit ce règne aussi éphémère que celui de Godefroid de Bouillon : l’empereur périt dès l’année 1205, sous les murs d’Andrinople, dans un combat contre Joannice, roi des Bulgares. Celui-ci, dit-on, fit enchâsser d’or le crâne de son illustre et malheureux adversaire, et s’en lit une coupe réservée pour les festins.

Cette mort du prince belge resta environnée de mystère. Aussi, vingt ans plus tard, une étrange aventure vint troubler le gouvernement de sa fille Jeanne, devenue comtesse de Flandre. Il y avait, dans les bois de Glançon, près de Valenciennes, un vénérable ermite à barbe blanche, qui s’était bâti une humble retraite avec des branches de genêt. Un seigneur prétendit reconnaître en lui Baudouin IX. À cette nouvelle, les habitants de Valenciennes, se souvenant que Baudouin était né dans leurs murs, accourent avec empressement et acclament le solitaire : « Vous êtes notre comte, s’écrient-ils, vous êtes notre seigneur ! » L’ermite protesta d’abord vivement ; puis paraissant céder à ces témoignages d’affection, il avoua qu’il était en effet Baudouin IX ; il leur fit même un touchant récit de sa longue captivité. Bientôt après, revêtant le manteau impérial, il fit son entrée à Valenciennes, au milieu d’un enthousiasme incomparable. Les seigneurs, peu satisfaits de la comtesse Jeanne, affluèrent avec de riches présents. Il fut accueilli avec la même allégresse dans toutes les grandes villes, à Lille, à Bruges et à Gand. À leur tour, les ducs de Brabant et de Limbourg lui envoyèrent des ambassades, et le roi d’Angleterre lui fit proposer une alliance pour attaquer la France.

Mais, au milieu de ces transports universels, la comtesse Jeanne protestait avec énergie, déclarant cet homme un imposteur. Le roi de France intervint. Il invita le prétendu comte à Péronne, où celui-ci se rendit dans une riche litière, précédée de la couronne impériale, et escortée d’un brillant cortège de plus de cent chevaliers. Le roi lui fit un accueil affectueux, l’embrassant et l’appelant son oncle. Mais il acquit bientôt la conviction qu’il n’avait devant lui qu’un aventurier : celui-ci avait oublié jusqu’au lieu de son mariage ! Rentré à son hôtel, le faux Baudouin, se jugeant en péril, s’esquiva pendant la nuit, laissant ses partisans dans le plus étrange embarras. Quelques mois plus tard, il fut arrêté en Bourgogne par un seigneur qui le vendit à la comtesse de Flandre, pour