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recourir aux armes pour faire valoir ses droits. L’alliance avec les Flamands lui paraissait désirable, mais le comte de Flandre, Louis de Nevers, petit-fils de Robert de Béthune, resta fidèle à Philippe de Valois. Aussi Edouard III, irrité, défendit de vendre encore des laines aux Flamands. Une déplorable situation résulta bientôt de l’imprévoyance de Louis de Nevers : les ouvriers flamands durent cesser le travail, car la plupart tissaient le drap ; or « sans laine, on ne pouvait draper » et l’Angleterre seule en fournissait ; la classe ouvrière se trouva dans une profonde détresse. Mais le comte s’obstina dans sa résolution, et fit même arrêter à Bruges, le 7 juillet 1337, et enfermer au château de Rupelmonde, le vénérable Sohier le Courtraisien, illustre bourgeois de Gand qui conseillait l’alliance avec les Anglais.

2. Neutralité de la Flandre. — Les gens du peuple allèrent demander conseil à Jacques Van Artevelde[1], riche bourgeois affilié au métier des tisserands. C’était un homme d’expérience doué d’ailleurs d’une rare éloquence ; aussi avait-il dans la ville une grande réputation de sagesse. Le sage homme conseilla aux Gantois de vivre en bon accord avec les deux rois rivaux et de rester neutres entre les deux. Les Gantois se rangèrent à son avis et l’élurent capitaine de la paroisse de Saint-Jean, avec la direction supérieure de la ville[2], le 3 janvier 1338. Aussitôt Jacques Van Artevelde entama des négociations avec les Anglais, et dès le mois de février un arrangement provisoire permettait aux Flamands d’aller s’approvisionner de laines anglaises à Dordrecht.

Le comte irrité fit mettre à mort, à Rupelmonde, Solhier le Courtraisien (21 mars 1338) ; puis, de Tournai, l’évêque de Senlis jeta l’interdit sur la ville de Gand : les églises furent fermées, les cérémonies religieuses suspendues. Mais les Flamands ne se découragèrent pas ; et bientôt même des cavaliers leliaerts s’étant aventurés jusque sous les murs de Gand, Jacques Van Artevelde les fit poursuivre ; quelques jours plus tard, avec des milices gantoises, il enleva d’assaut leur château de Biervliet. Ce succès fut aussitôt suivi d’une alliance avec Bruges et Ypres.

  1. Voir la narration ai pittoresque de Froissart. — La question de savoir si Van Artevelde fut brasseur ou tisserand est toujours discutée.
  2. De sa pension de hoofdman et de ses frais dans la conduite de la ville (in ’t beld van der stede) 2309 livres. (Comptes de Gand, année 1340).