Page:Deraismes - A bon chat bon rat.djvu/19

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de pis encore ! C’est un bas-bleu, une femme incomprise, genre Michelet. (Haut.) Diable soit de l’aventure !

ANTOINETTE.

Et moi qui me fiais à la parole de ces gens, moi qui croyais à leur franchise, à leur loyauté. Ils n’en ont que l’envers, c’est-à-dire la grossièreté et la rudesse. Quel procédé indélicat !

OCTAVE, à part.

Oui, je crois à sa colère ; parions qu’avant une heure elle me proposera une promenade. Je vois cet éternel voile bleu suspendu à mon bras. Il me faudra porter son ombrelle, son chien, peut-être (elle doit avoir un chien), et ce qu’il y a de pire, entendre la lecture de ses impressions. Une femme écrit toujours ses impressions. Ce serait intolérable, et si elle compte sur ma courtoisie. (Haut.) Le fait est que nous avons été… odieusement joués.

ANTOINETTE.

Et personne en ce moment à qui l’on puisse s’en prendre !

OCTAVE.

Mon Dieu, la situation n’est pas tenable, je ne vois qu’un moyen d’en sortir. L’un de nous est de trop ici.

ANTOINETTE.

Mais vous n’avez pas l’intention de m’assassiner, je suppose ?

OCTAVE.

Rassurez-vous, je propose un arrangement beaucoup moins sombre.

ANTOINETTE.

J’écoute.

OCTAVE.

Nous sommes venus ici guidés sans doute par des motifs différents ; mais notre but est le même. La liberté, la solitude que nous cherchons, seraient troublées par la présence d’un second. Or, nous sommes étrangers l’un à l’autre, aucune