Page:Deraismes - A bon chat bon rat.djvu/25

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OCTAVE.

Pour moi, madame, j’ai toujours le courage de dire le vérité, quelle qu’elle soit.

ANTOINETTE.

C’est un courage fort contestable que celui-là, il en existe un bien autrement supérieur.

OCTAVE.

Lequel ?

ANTOINETTE.

Celui de l’entendre, monsieur ; ne le croyez-vous pas ?

OCTAVE.

Depuis quelque temps, vous me mettez à même d’en juger. Mais pourtant je maintiens quand même que la vérité dite à autrui demande une certaine somme de courage, puisqu’elle nous fait tout aussitôt affronter une inimitié et changer souvent une sympathie en une haine, qui, d’ailleurs, peut user de représailles. Croyez-moi, madame, il faut faire peu de cas de l’opinion de ses semblables pour les heurter gratuitement.

ANTOINETTE.

On cède à un sentiment de malveillance, et on éprouve un étrange bien-être à lancer un mot piquant, voilà tout. Mais, en vérité, tout en causant, nous ne nous apercevons pas que le temps passe avec rapidité et qu’il serait bon de s’occuper du déjeuner.

OCTAVE.

Déjeune-t-on ici, madame ? J’avoue que c’est une ambition à laquelle j’avais tout à fait renoncé.

ANTOINETTE.

Vous aviez donc conçu l’attrayante pensée de mourir de faim ?

OCTAVE.

Ce n’était pas précisément mon intention, car j’avais compté