Page:Deraismes - A bon chat bon rat.djvu/36

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veut. C’est là tout le charme de votre galanterie, et le cas qu’une femme d’esprit peut en faire.

OCTAVE, se levant.

Vous faites erreur, les sucreries ont plus de succès que vous ne pensez. Elles manquent quelquefois, mais les consommateurs jamais.

ANTOINETTE.

Oui, si vous mentionnez les affamés.

OCTAVE.

Eh ! madame, ils font nombre, et la galanterie a aussi les siens, ou du moins les siennes. Elle est l’aliment sucré dont se nourrissent les coquettes. D’ailleurs, elle n’est que l’hyperbole de la politesse, et c’est là son excuse.

ANTOINETTE, se levant.

Eh bien, cette hyperbole est tellement rebattue, que l’homme d’esprit et le sot qui l’emploient se rangent au même niveau.

OCTAVE.

Vous le calomniez, chaque peuple, chaque tribu a sa langue, son idiome qu’il faut parler, si l’on veut en être compris. La galanterie a un avantage évident sur toutes les langues possibles ; c’est une sorte de passe-partout à l’aide duquel nous avons accès auprès des femmes de tous les pays, même les plus sauvages. Si les mots, d’ailleurs, étaient inintelligibles, la pantomime serait là pour nous tirer d’embarras. Les femmes n’accueillent-elles pas, sous n’importe quelle forme, l’admiration qu’elles excitent ? aussi apprécient-elles mieux le compliment le plus mal tourné que le mot le plus spirituel !

ANTOINETTE.

Eh bien, je ne suis pas comme vous, moi. J’aurai la bonne foi de vous faire quelque concession. En effet, au début de la vie mondaine, il n’est pas une femme qui ne se trouve étourdie, enivrée même de l’attention, des recherches dont elle