Page:Deraismes - A bon chat bon rat.djvu/48

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un sentiment banal encore, suivant vous, parce qu’il est familier à la nature humaine. Je n’ai pas sans doute la prétention d’inventer un sentiment, pas plus que le langage qui le traduit. Quand une seule route conduit à un pays, les voyageurs de toutes conditions sont forcés d’y passer. Quand une pensée ne peut être exprimée que par un seul mot, elle est contrainte de s’en revêtir.

ANTOINETTE.

Tout ceci est fort joli, assurément, mais ça ne fait que me prouver plus clairement encore que vous voulez convertir vos théories en faits, et me démontrer d’une façon irréfutable qu’une femme se laisse toujours prendre par la flatterie, quelle qu’elle soit, même la plus plate.

OCTAVE

Vous doutez encore, c’est vrai, mais vous êtes ébranlée.

ANTOINETTE.

Où voyez-vous cela ?

OCTAVE

Je vois cela par la force même des choses ; il est impossible que vous ne soyez pas frappée comme moi de l’inexplicable hasard qui nous met en présence l’un de l’autre. Ce fait seul prouve qu’il y a une évidente sympathie entre nos organisations. Nous sommes venus ici, pourquoi ? Le savez-vous bien vous-même ?

ANTOINETTE.

Sans doute, par un besoin de changement : l’inverse de la vie qu’on mène, si heureuse qu’elle soit, peut avoir quelque charme.

OCTAVE

Oui, madame, on trompe son ennui. Ah ! il y a une bien vieille histoire que je vais vous conter.