tain talent ; l’homme du peuple ne la connaît que dans les bouges, ou, plus tard, il la connaît dans la mansarde ; mais alors il la voit sans charmes, parce qu’elle est criarde, parce qu’elle est inquiète et préoccupée.
L’homme du peuple a un vocabulaire composé tout exprès pour humilier la femme. Allez dans un quartier populeux, le soir ; choisissez un samedi, le jour de la paie, le jour des grosses joies ; suivez les groupes qui passent et vous entendrez des dialogues, que je ne puis pas répéter ici ; cela se dit dans une langue verte que je n’ai pas l’habitude de parler.
On me dira « Mais dans l’intimité de deux êtres, dont l’un est fort et l’autre faible, quelle que soit l’égalité des droits, il n’est pas étonnant qu’une querelle s’engage ; et d’ailleurs une querelle dans ce cas n’a pas d'importance. » Mon Dieu, nous ne nions pas l’influence morale ; mais nous disons que l’homme aura plus d’égard, plus de complaisance, plus de respect même pour son camarade, pour son compagnon, parce qu’il se dira : « Celui-là est mon semblable », tandis que sa femme, c’est son inférieure et il trouverait indigne…
(Un grand tumulte se produit dans l’auditoire ; des interpellations se croisent).
Une voix : Vous insultez le peuple.
Autre voix : N’interrompez pas l’orateur.
Mlle Deraismes : Cette tribune aujourd’hui m’appartient. J’ai le droit de dire toute ma pensée. Demain on pourra exposer une théorie contraire. Je répondrai, s’il y a lieu.
Je continue donc et je reprends : L'homme du peuple méprise la femme. Dans les classes ouvrières, il est bien certain que, pour un mari, frapper sa femme n’est pas chose extraordinaire ou coupable : c’est dans les