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ève

tion. La routine et le préjugé ont pris le dessus et ont triomphé de la justesse de leurs observations.

Or, que se produit-il ? L’enfant, suivant la robusticité de sa constitution, meurt ou résiste ; le plus souvent il se produit un terme[illisible] moyen, l’enfant ne meurt pas, mais il s’étiole, se rachitise. Sous l’empire d’épouvantes continuelles, son cerveau s’atrophie et s’idiotise. Je pourrais citer plus d’un exemple. J’ai moi même été témoin de résultats de cette nature.

Dans tous les cas, si l’enfant a le sang assez généreux pour endurer un pareil régime sans dépérir, il ne faut pas inférer que son caractère n’en soit pas atteint. Il devient défiant, vindicatif, haineux ; il se plaît aux méchants tours, s’applique à supporter les corrections les plus rudes avec cynisme, effronterie, fanfaronnade. C’est le candidat de la prison et du bagne.

Que faire, s’écrie-t-on ? Faut-il donc toucher au Code, ébranler toutes les bases de la société en les remettant en question ?

Qu’on se rassure, il n’y a rien d’ébranlé que les cerveaux faibles, et j’avoue qu’ils sont en grand nombre.

Quoi, le Code est-il donc sacré ? A-t-il été fait par des infaillibles ? La France, en effet, a de quoi se souvenir de l’infaillibilité de Napoléon !

Non, les codifications ne sont pas éternelles ; élaborées dans le temps, elles portent, bon gré mal gré, l’empreinte de l’actualité qui limite leur durée. Et, comme les hommes ne sentent et ne pensent pas toujours de la même façon, c’est donc un droit et un devoir pour nous que de soumettre à un libre examen ces monuments de l’intelligence humaine qui donnent chacun le diapason de la conscience d’une époque.

Sans doute, toute législation a une portée impérissable, celle qui s’assied sur des vérités relevant du bon