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ève

Ce sont les persécutions paternelles dont Mirabeau a été victime qui en ont fait l’apôtre et le tribun le plus ardent de 89. Cette nature exubérante, incarcérée successivement dans tous les forts de la France, grâce aux tendres soins du tendre auteur de ses jours, cuva dans le silence des prisons toutes les haines et toutes les rages contre la tyrannie, quelque forme qu’elle pût prendre.

Cette liberté comprimée, refoulée, forma en lui une sorte d’abcès qui vint, à un instant donné, crever sur la société française, avec tout le fracas d’une indignation explosive et d’une éloquence déchaînée.

Plus tard, Chateaubriand, en faisant le tableau de sa famille, nous donne aussi une fidèle image de l’inflexible autorité paternelle.

Après avoir fait le procès de la puissance paternelle telle qu’elle est constituée dans le Code, il nous reste à en intenter un à la société elle-même qui, elle aussi, exerce ses pouvoirs sur l’enfant.

La famille n’est pas seule responsable.

Il arrive un moment où l’enfant quitte, en partie, la direction de ses parents pour passer sous le joug de l’étranger, c’est-à dire du maître, du patron. Le fait est général dans le prolétariat.

Or, qu’est-ce que le patron ? Un individu qui est bien plus disposé, sauf de rares exceptions, à faire de l’industrie, c’est-à-dire sa fortune, qu’à faire de la philanthropie. De là une exploitation prématurée ou à outrance des forces naissantes.

Qui oblige les familles, dira-t-on, à envoyer de trop bonne heure leurs enfants à l’atelier ? Hélas ! la misère qui ne supporte pas de réplique. Il faut vivre et s’en procurer les moyens. Toute la tendresse paternelle et maternelle combinées ne peuvent obvier à l’insuffisance du salaire, et dans l’intérieur prolétaire, quand