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dans l’humanité

la famille prend un certain accroissement, la con sommation excède la production. Ainsi la prolificité, dans la classe ouvrière, rompt l’équilibre de la recette et de la dépense, de l’actif et du passif. Alors, si les forces enfantines ne s’exercent pas le plus tôt possible, et ne créent pas de nouvelles ressources, le dénuement, la détresse viennent s’asseoir au foyer.

Aussi, quand on a jeté un cri d’alarme, en signalant l’affaiblissement de la population, aurait-on pu trouver facilement les motifs explicatifs à cet état de choses.

Beaucoup de gens, et je ne peux les blâmer, jugent qu’il est préférable de ne pas naître que de naître pour être la proie du malheur. Mais, comme l’Économie, malgré d’honorables travaux, n’a rien résolu du problème social et ne l’a pas même élucidé, puisqu’elle en est encore réduite à flotter entre la loi Malthus et l’émigration, on ne peut raisonnablement accuser les parents, dont les charges dépassent les moyens, d’envoyer le plus tôt possible leurs enfants à l’atelier. Cela, d’ailleurs, peut ne pas être un mal, car le désœuvrement, l’oisiveté, pour les enfants, comme pour les adultes, sont pernicieux et corrupteurs. Seulement, ce travail auquel on les soumet ne devrait pas nuire à leur développement, mais bien au contraire y aider. Il faut aussi que la culture morale n’ait pas à en souffrir.

En somme la société a tout intérêt à n’user des forces individuelles que lorsque celles-ci ont acquis toute leur plénitude. Les escompter à l’avance, les faire fonctionner avant terme, c’est récolter un déficit. En voulant faire l’ouvrier de onze ans, on tue, ou tout au moins on atrophie l’ouvrier et le soldat de vingt ans.

L’exploitation de l’enfant a donc trois facteurs : l’arbitraire paternel, la misère, la rapacité industrielle.