Page:Deraismes - Eve dans l humanite - Les Droits de l enfant.pdf/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
dans l’humanité

reine Marie Leczinska pleurait isolée à Trianon. Et si elle observait autour d’elle, elle constaterait des faits identiques.

Rien n’est donc changé en cette matière. Elle n’aurait qu’à protester et réagir. Mais, toujours en tutelle, mineure à perpétuité, elle a fait de la vertu une négation et une résignation. Devant une pareille vertu, le vice, qui ne devrait être qu’une difformité, devient une énergie, une puissance. Il a le champ libre. La nullité, l’effacement de son antagoniste lui permet de se rendre maître de la situation ; il ne rencontre pas d’opposition sérieuse.

Le théâtre vient corroborer ce jugement ; observateur attentif de la vie réelle, voyant dans les actes individuels et dans les faits un élément scénique, il nous représente les personnages chargés de figurer la vertu ; et tous, sans exception, sont plus sots les uns que les autres.

Sans perspicacité, sans vigueur, sans dignité, ils ne voient rien, ne soupçonnent rien, n’empêchent rien et acceptent tout.

Prenez les succès contemporains : Les Filles de Marbre, Dalila, et tout récemment Le Supplice d’une Femme, et Paul Forestier, et vous pourrez vérifier l’exactitude de mon dire.

Dans le Supplice d’une Femme, comme nouveauté, c’est le mari qui représente la vertu et la fidélité au devoir. Quant à l’héroïne, rien de plus méprisable. Infidèle à son mari, infidèle à son amant, on se demande en quoi elle peut intéresser le public. Mais heureusement pour la pièce et pour l’auteur, le public est si bien dressé par les deux morales, que c’est justement ce personnage qui captive le plus son attention ; il partage ses émotions, ses angoisses, et lui accorde toutes ses sympathies. C’est que cette femme, aimée