Aller au contenu

Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ORTHEZ.

Eh ! monsieur ! ces filles dont vous parlez avec tant de dédain ne seraient pas perdues si on les avait respectées comme vous voulez qu’on respecte la vôtre.

LE PRÉSIDENT.

Quoi ! vous voulez comparer… !

ORTHEZ.

Et pourquoi pas ? Croyez-vous qu’il est des créatures assez malheureuses pour être vouées au mépris et à l’abandon, sans même qu’on y prenne garde ? Si votre fille était une humble ouvrière, si son toit était une mansarde, je me croirais engagé envers elle ; mais mademoiselle de Marsille est riche, puissamment riche, et en l’épousant pour réparer une faute, j’en commettrais une plus grande.

LE PRÉSIDENT.

L’honneur est donc pour vous un mot sans portée, et ne comprenez-vous pas qu’il le faut intact dans de certaines familles ?

ORTHEZ.

Je n’admets pas ces sortes de distinctions, et voici un singulier aveu de votre part ; vous, devant lequel tous les hommes doivent paraître égaux, votre honneur est-il plus précieux que celui du plus petit d’entre nous, et d’ailleurs, quand ce dernier y faillit, les lois le traitent-elles avec moins de rigueur ?

LE PRÉSIDENT.

Monsieur !

ORTHEZ.

Enfin, qu’y a-t-il de changé dans la position de votre fille ? N’est-elle pas toujours jeune, belle, riche, honorée ? Et quant à cette heure d’égarement réciproquement partagé, qui la connaîtra ? Sont-ce ces murs qui en révéleront le secret ?