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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/153

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LE PRÉSIDENT.

Ah ! vous appartenez bien à cette classe sans morale et sans principes qui croit se réhabiliter sous les faux semblants d’imagination et de génie !

ORTHEZ.

Ah ! je sais bien que les hommes de toutes les professions ne manquent pas de crier bien haut nos faiblesses, pour détourner l’attention publique des leurs ; le vulgaire comprend il les exigences de notre vie ? ne se consume-t-elle pas à la recherche du sublime, de l’idéal dans la nature ? L’ambition du véritable artiste ne se borne pas à reproduire une forme, un contour, une couleur ; c’est la passion, la pensée, la vie qu’il lui faut rendre et fixer ; l’art n’est pas seulement la science, l’étude, car tous pourraient y atteindre, avec quelque intelligence et quelque volonté ; l’art, c’est l’inspiration, c’est ce rayon lumineux que le Prométhée de la fable voulut ravir au ciel, car, quoi qu’on dise, le génie n’est pas la propriété de l’homme, ce n’est qu’un prêt, il lui échappe souvent quand il croit le saisir.

LE PRÉSIDENT.

Le génie ! Appellerez-vous ainsi cette démence née de l’ivresse et de l’orgie ?

ORTHEZ.

Ces fantaisies, ces caprices, ces extravagances dont on nous accuse sont les signes de l’inquiétude fiévreuse qui prend tout homme à la recherche d’une sorte de chimère. Amoureux de cette beauté unique, nous l’admirons dans toutes ses variétés, sous toutes ses formes ! que l’objet de nos rêves respire sous le fichu grossier de la fille du peuple ou sous le velours de la grande dame, les magnificences de la nature excitent le délire ! transporté hors de soi, la raison devient impuissante.