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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/157

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ORTHEZ.

Oh ! laissez-la, laissez-la parler.

RENÉE.

Que de déceptions devaient m’abreuver à la fois ! Amitié, amour, vénération, plus rien ! Entraînée moi-même par le prestige du génie, par la séduction de la parole, je me suis égarée ; mais pouvais-je penser que l’intelligence la plus sublime descendrait au mensonge et à l’infamie ! Que sert la beauté, la jeunesse, une vie pure, si elle ne donne que mépris et abandon ? Quel réveil ! Un instant je me sentis transportée ; je disais à cet homme : Vous m’avez révélé des idées ; moi, je vous révélerai des sentiments ; votre vie a été partagée par bien des amours. Qu’importe ! vous ne pourrez jamais les confondre avec le mien. (Orthez la suit avec tous les signes d’une admiration croissante.) Je n’ai point de passé ; je vous donne le présent, l’avenir ; jusque-là, vous n’avez connu que la beauté des corps, vous connaîtrez la beauté de l’âme ; tout ce que l’amour a d’enthousiasme et de dévouement fera vibrer en vous des cordes nouvelles. (Riant.) Insensée ! folle ! Tu as cru que le souffle de ton amour ferait jaillir une étincelle de ce foyer éteint ; tu n’en as fait voler que les cendres, et il n’est resté que le vide. (se retournant vers orthez) Oui, vous avez raison, vos inspirations ne sont que des éclairs, car les grandes pensées peuvent traverser votre âme, mais elles rougiraient de s’y arrêter.

LE PRÉSIDENT.

Ma fille ! ma fille ! pardonne !

RENÉE, exaltée.

Ne m’appelez pas votre fille. Je ne vous connais plus.

LE PRÉSIDENT, se levant.

Ma fille, ne me maudissez pas maintenant. J’ai tout perdu, je ne tiens plus à la vie. Cette arme, que je devais diriger