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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/330

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pauvre ami, vous vous trompiez ; regardez-moi maintenant, et je ne sais s’il vous restera même le souvenir du temps que je rappelle. Cet enthousiasme de sentiment, je le partageais. Aussi, il y avait en moi un sens intérieur qui me disait que vous étiez là quand mes yeux n’avaient pu vous voir, quand mon oreille n’avait pu vous entendre ; les fleurs que vous m’offriez doublaient de parfum, l’admiration que je lisais dans vos regards me causait plus de joie que ce que toutes les bouches du monde eussent pu me dire.

Comment un tel sentiment s’est-il affaibli ? Avons-nous changé mutuellement, suis-je devenue laide, sotte ? N’êtes-vous plus ce cavalier élégant, ce brillant causeur dont mon exaltation faisait un dieu. Il est des mystères que nul ne peut sonder ; un sentiment s’affaiblit comme la mer qui se retire, en ayant l’air de s’avancer, petit à petit, imperceptiblement, jusqu’à ce que l’œil la cherche inutilement dans le plus lointain horizon.

HONORÉ.

Mais alors, Élise, vous avez eu les premiers torts ; car vous ne me saviez pas coupable, et puis ce que vous ressentez ne ressemble en rien à ce que j’éprouve. L’éducation des hommes justifie bien des faiblesses de leur part, mais je n’ai pas cessé de vous aimer.

ÉLISE.

Ni moi, mais d’une bonne amitié.

HONORÉ.

Mais, Élise, je vous atteste que la vivacité de mon affection pour vous n’a pas diminué, croyez-le.

ÉLISE.

Merci, de votre courtoisie, Honoré, c’est aimable, mais cela ne persuade pas.