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vie dans une foi, dans un amour, dans une affection quelconque, qui vivent au sein de la nature et de la société comme un usurier, un exploiteur, un vampire, qui en soutirent le plus qu’ils peuvent de substance pour s’engraisser indéfiniment.

Or, le célibataire égoïste est tombé aussi bas dans les régions de la vie que le célibataire apostolique s’est élevé haut. Ils sont à une égale distance de la moyenne de notre moralité. Nous restons hommes, quand l’un se transfigure dans une nature angélique, quand l’autre se transforme dans une nature de brute dont il s’inocule, graduellement, tous les instincts.

Eh bien ! notre opinion est que l’isolement moral place un homme dans cette situation que, s’il n’est pas une de ces âmes d’élite, cet isolement le pervertira, ou, du moins, sera une chance de plus pour sa dégradation.

Observons ce qui se passe : et, d’abord, reconnaissons que le célibataire qui s’est créé un but, un devoir, s’est, en quelque sorte, marié spirituellement ; il a une raison d’être, et touche, en quelques points, à la première catégorie. Mais le vieux célibataire, sans liens, l’homme qui se suffit, comme on dit, vous pouvez être sûr que l’âge a apporté quelque singularité plus ou moins monstrueuse dans les habitudes de sa vie ; cherchez bien ; pénétrez dans son intérieur, vous y découvrirez ou une dépravation ou une monomanie, quelque goût ridicule ou révoltant, auquel il a prostitué son activité morale. Voilà le célibat dans toute sa laideur, et tel que vous le trouverez dans le plus grand nombre de cas.

Eh bien ! il y a encore quelque chose de plus dangereux, c’est le célibat obligatoire. Les célibataires, après tout, peuvent, si leur âme vient à s’attendrir, si leur cœur, par une impulsion imprévue et tardive, se remet à battre comme un vrai cœur d’homme, abjurer le célibat, et se prendre à aimer quelqu’un ou quelque chose. Il y a de pauvres égoïstes qui n’ont senti le bonheur de s’oublier que sur le déclin de cette journée fugitive qu’on appelle la vie humaine ! mais les célibataires obligés, en qui la nature se révolte vainement, en qui les passions réalisent l’enfer, pouvez-vous seulement pressentir les rêveries de leur imagination maladive ? Et enfin, lorsque dans des organisations plus violentes, des tempéraments incompressibles, la