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Page:Des Érables - La guerre de Russie, aventures d'un soldat de la Grande Armée, c1896.djvu/113

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Puis on causa de mon voyage au château du noble Polonais, ami du comte.

Il fut décidé qu’on me procurerait un costume de paysan polonais ; mon gros camarade Ivan m’accompagnerait et si par hasard nous étions surpris par des cosaques, je ferais le sourd-muet. C’était le meilleur moyen de ne pas me trahir.

Enfin, au bout de quinze jours, comme j’étais complètement rétabli et en état de supporter les fatigues du voyage, j’obtins, après de longues instances, la permission de me mettre en route.

C’est le cœur brisé que je pris congé de mes généreux bienfaiteurs. Le comte et son angélique compagne, émus eux-mêmes jusqu’aux larmes, me souhaitèrent un bon voyage et recommandèrent à Ivan de veiller sur moi comme sur un frère.

Que sont devenus ces nobles cœurs ? Jamais je n’ai pu avoir de leurs nouvelles, malgré plusieurs lettres que j’ai envoyées à leur adresse. Ont-ils quitté leur patrie pour chercher ailleurs un asile plus tranquille ? La cruelle Russie, toujours disposée à se venger, les a-t-elle envoyés, comme tant d’autres, dans les déserts glacés de la Sibérie ?

Qui sait ?

À certaines époques et sous certains gouvernements, la vertu et les nobles qualités du cœur ne sont pas une protection contre l’injustice du persécuteur.

Quoi qu’il en soit, que le Seigneur leur rende le bien qu’ils m’ont fait.

Que Dieu protège la Pologne !