Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/156

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écloront dans nos mains, des lis jailliront sous nos pas. »

Rêve du poëte de Weimar repris par ce moraliste qui est un poëte, puisse cette vision d’amour et de liberté être réalisée par cette génération, qui, bien qu’on dise et bien qu’on fasse, est maîtresse de l’avenir.

Tels sont les principes qui dirigent la critique de M. É. Montégut. J’ai voulu surtout mettre en lumière l’originalité de sa pensée. C’est qu’avant tout l’auteur des Libres Opinions est un penseur et des plus fins et des plus forts, surtout libre des vaines complaisances et des serviles adhésions ; c’est là son trait distinctif. Or, les pensées qu’il nous communique sont toutes personnelles, visiblement antérieures à la lecture du poëme ou du roman qu’il met sous nos yeux, et tirées à cette occasion d’une sorte de réservoir d’idées. Ce procédé est le plus diamétralement opposé à ceux de l’ancienne critique. De là cette nouveauté que nous avons saluée en Émile Montégut.

En mettant à part M. Sainte-Beuve, il est pour nous celui des critiques qui, avec M. H. Taine, a le mieux satisfait les exigences des esprits. L’un, véritable Protée, aura répondu à un besoin tout nouveau de variété et de complexité dans l’art ; l’autre, rigoureusement appuyé sur le Moi, offre une éclatante satisfaction à notre penchant tardif pour l’individualité. Dans la critique, il a le premier fait entrer sans réserve toute sa personnalité, et il l’y a maintenue par une perpétuelle intervention de la conscience en jeu et de la sensibilité en éveil. Féconde innovation ! car nous ne profitons