Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/206

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Shakespeare n’occupe donc que quelques chapitres de ce long ouvrage. La plupart du temps il disparaît « derrière son introducteur ». Nous le disons franchement, sans songer à en tirer un grief contre Victor Hugo. Sachons échapper au travers assez commun chez les lettrés de demander aux romanciers ou aux poètes autre chose que ce qu’ils nous promettent et d’appliquer à un volume de sonnets des exigences tolérables pour un poëme épique. Plus d’un a reproché à Victor Hugo sa perpétuelle intervention dans ce livre. Cette intervention n’est-elle pas annoncée par les premières lignes ? Est-il d’ailleurs d’un médiocre intérêt de voir l’un des plus beaux génies de noire temps se reposer de l’invention dans le recueillement et nous donner le résultat de ses rêveries et de ses recherches à l’appui de ses odes, de ses romans, de ses drames ? Un poëte qui se fait critique une fois de plus, un maître qui veut juger ses aînés, l’auteur de Ruy Blas et de Notre-Dame parcourant l’histoire littéraire et selon ses préférences choisissant ses stations, le penseur étudiant les relations futures de l’art avec la société, voilà ce que l’on trouve dans ce livre. Connaissez-vous un spectacle plus intéressant, plus digne à la fois d’attention et de respect ? « Ne pas admirer Eschyle », dit avec raison Victor Hugo, « est un signe de médiocrité ». Rester indifférent à ce livre serait un acte d’irrévérence et d’ingratitude envers le génie.