Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/231

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et de Goëtz de Berlichingen ? Notre répugnance se prend au caractère, et ne va pas jusqu’au génie. Quoi qu’en dise la nouvelle esthétique, l’Art peut s’associer comme auxiliaire au progrès, jamais comme serviteur ; il lui reste supérieur en se dévouant à lui, et sa collaboration est une condescendance. C’est un dieu qui, en se faisant homme, ne doit pas oublier qu’il est dieu.

Pour le poëte, cette participation aux choses des temps est un agrandissement de facultés plutôt qu’une garantie de perfection. C’est méritoire, ce n’est pas nécessaire. Si haut que se soit placé Victor Hugo par des poëmes comme YOde à la Colonne ou Noces et Festins, n’est-il pas plus grand poëte dans Villequier, Aynwillot, le Revenant, la Vache, la Statue, la Fête chez Thérèse, la Conscience, toutes pièces sans la moindre intention politique, sans la moindre portée sociale ? S’il n’avait pas commencé par donner la plus grande partie de son œuvre au Beau sans mélange, eût-il réussi à créer cet accord unique du Beau et du Vrai ? Puisse cette union se maintenir, si elle ne coûte le sacrifice d’aucun des droits imprescriptibles de la Beauté !

En un mot, l’idée de Victor Hugo est généreuse, salutaire, faite pour être recueillie par tous les jeunes écrivains, et telle que pour notre part nous cherchons à la mettre en pratique. Nous n’avons protesté que contre sa formule étroite qui exclut un Gœthe ou un La Fontaine. Nous n’avons pu surtout rencontrer certaines expressions sans un sentiment pénible. Polymnie