Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/52

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hardies mais saines, des notions d’équité et de morale qui, loin de pactiser en aucune matière, ont déversé à flots sur le vice ou la sottise une gaîté vengeresse, une ironie meurtrière. Ceux-là du reste ne sont pas ignorants.

Néanmoins, les ignorants pullulent, et l’ignorance avec eux continue sa marche envahissante. Elle veut le monde, et elle l’aura, si nous n’y prenons garde ; car c’est elle qui dispose des ressources les plus puissantes. Que peut une voix juste contre le fracas d’un orchestre ? Chaque jour, par cent voix, comme le Stentor du poëme homérique, l’ignorance, non-contente de répandre des vilenies ou des balivernes, proclame et met en circulation des doctrines capables en vingt ans de corrompre et d’abêtir la nation qui a glorifié le Cid, soutenu l’Encyclopédie et rédigé les Cahiers de 89. En effet, l’ignorance est une, mais il y a plusieurs sortes d’ignorants. Nous avons marqué au front ceux qui sont ignares pour ainsi dire par nécessité ; nous voulons stigmatiser plus profondément ceux qui, non moins ignares de nature, le sont encore avec calcul, avec orgueil, avec rage. L’ignorance, fière de sa crasse et de sa rouille, et prétendant en imposer la contagion au genre humain, l’ignorance pédante, intolérante, despotique, voilà ce que l’on n’avait pas vu et ce que l’on n’aurait pas osé pressentir il y a dix ans. La boue a rapidement monté.

On peut résumer en quelques mots les théories des « doctrinaires » de l’ânerie. Elles sont ineptes et barbares. Il ne s’agit rien moins, dans l’idée de quelques