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Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/64

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couronnes de la Muse, un inspiré dans l’exil, Charles d’Orléans, se complaît aux ingénieuses surprises du rondel et de la ballade, et découvre le secret d’éterniser dans une forme brève la grâce frêle et fugitive.

La finesse de Charles d’Orléans et la malice de ses devanciers se rencontrent chez Clément Marot. Ce n’est pas un poëte peut-être pour qui demande à la langue des dieux un souvenir de sa céleste origine, mais c’est un bien gentil rimeur, et qui a payé sonécot à la Muse exigeante en vrais sourires et en gaîtés franches. Cependant, amoureux avant tout du grand art, c’est avec une pieuse émotion que nous voyons tous ces joyeux poursuivants de la poésie familière brusquement remplacés par un jeune poëte qui, pour la première fois, nous rend quelques traits oubliés de la figure inspiratrice et calme d’Apollon. Ce n’est qu’un gentilhomme du Vendômois, ce Pierre de Ronsard, et l’on dirait un frère d’Orphée, tant son chant résonne avec une douceur attendrissante parmi les clairons de la guerre civile. Comme Persée vers Andromède il vole à la délivrance de l’Ode et de l’Épopée captives. Coryphée de ce chœur sacré qui s’appelle la Pléiade, et qui parle à la postérité par les voix harmonieuses de Baïf, du Bellay et Rémi Belleau, il dit à la France étonnée les noms d’Homère, de Pindare et d’Anacréon, et ce dernier nom demeure à jamais attaché au sien. Car s’il n’a pu surprendre ce grondement de tonnerre et cette rumeur vivante d’Océan qui vibrent dans Pindare et dans Homère, Ronsard a, mieux