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Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/73

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habitudes littéraires, avec les idées de son temps ? Quel profit trouvez-vous à ces fréquents anachronismes de langage ou de sentiment dont vous tirez gloire peut-être ? Étrange manière d’imiter que de faire subir à des poëmes immortels des transformations qui seraient odieuses à leur auteur ! Bouleverser ainsi des chefs-d’œuvre, les rendre méconnaissables à l’œil d’un Aristophane ou d’un Shakespeare, ce n’est pas transfigurer le modèle, mais vraiment le défigurer.

A peu de chose près, dites-vous, vous avez suivi les combinaisons d’Aristophane. Sans l’intervention de personnages nouveaux l’intrigue se déroulerait de la même façon : vous nous représentez également un paysan nommé Chrémyle qui, de concert avec son esclave Carion, s’empare du dieu Plutus et fait une sorte de pacte avec lui, malgré les efforts de la Pauvreté. Seulement Aristophane, selon son habitude, ne nous donne pas, à proprement parler, de dénoûment. Content d’avoir proclamé par l’entremise de la Pauvreté des idées saines et vraies sur la fécondité du travail et sur la stérilité de l’opulence oisive, il ne juge pas à propos de réfuter la cupidité de Chrémyle par un revers de fortune. Vous avez pensé, madame, que cette conclusion froisserait 1 esprit moderne et ses exigences de justice, qui s’étendent jusqu’aux fictions. La moralité de l’œuvre d’Aristophane ne vous semblait pas suffisamment dégagée ; vous l’avez largement mise en lumière. Où Aristophane indiquait les inconvénients d’une fortune improvisée, vous appuyez fortement,