Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/74

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développant par exemple cet incident d’un sycophante qui vient sommer Chrémyle de contribuer aux frais de la guerre. Enfin, il vous a plu de ruiner le favori passager de Plutus pour satisfaire aux tendances actuelles, utilitaires, je le crains, plutôt qu’artistiques. Je note déjà des infidélités plus graves que vous ne le supposez ; car, en augmentant la portée morale et philosophique de cette œuvre, vous allez plus loin que la fantaisie du poêle. Aristophane gazouillait sur un ton railleur : vous parlez à haute voix et d’un ton quelque peu déclamatoire. La différence est sensible. C’est une question de diapason.

Vous supprimez de votre autorité privée l’épisode scabreux dont une vieille femme est l’héroïne. J’admets la difficulté de conserver ce rôle ; mais ce retranchement et plusieurs autres encore ne visent-ils pas à imprimer plus d’unité à l’œuvre confuse d’Aristophane ? Cette préoccupation me paraît funeste. Une connaissance plus approfondie du théâtre de ce maître vous eût révélé que toutes ses pièces, dominées par une idée principale, sont composées de scènes sans liaison rigoureuse. La verve, le bon sens, le courage, le lyrisme, éclatent à travers une action désordonnée. De même que les personnages, par l’incohérence de leurs actes, deviennent rarement des types, des caractères, de même les pièces, par l’irrégularité de leur marche, ne peuvent revendiquer cette logique vivante que les chefs-d’œuvre du théâtre nous ont fait admirer depuis la comédie ancienne jusqu’à nos jours. Les asservir, comme vous le faites, madame, à l’enchaînement régulier