Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/93

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sortir de ce poétique cerveau. Il regrette que chez Byron « l’inspiration se substitue trop souvent à la réflexion » ; il demandera avec pitié à sa vie errante le secret de ses défauts et de cette agitation perpétuelle qui se retrouve dans la pensée de Childe-Harold ; il signalera même l’orateur, de parti pris, là où l’on n’attendait que le poëte. Enfin, au lendemain de cette mort dont tressaillit l’Europe, il déclare, parmi les éloges dont il comble Byron, « que tout progrès lui devenait impossible, à l’apogée où il était monté. » Gœthe osait-il en ce moment dire toute sa pensée ? Et n’était-ce pas, en réalité, que Byron lui paraissait incapable de s’élever à la perfection absolue ? Byron ne pouvait être pour Gœthe que le plus grand des poètes imparfaits. Mais que Je génie dans cette imperfection ! et comme Gœthe sait reconnaître ce génie, lui qui donnera son opinion suprême sur Byron dans cette formule de l’impartialité : « Tout ce qui est grand contribue à notre éducation. »

Ce même Gœthe, qui surmontait ses répugnances, pouvait-il concevoir des préventions ou partager les préventions d’autrui ? Schlegel ne parvint pas à l’associer à ces prises d’armes contre les plus tendres et les plus nobles génies. Il avait vu Gœthe défendre contre lui la flamme et la fièvre pathétique d’Euripide et demander grâce au bon sens et au bon goût pour l’innocente mélodie d’Ion et les plaintes héroïques d’Alceste. Il le vit encore rompre en visière au préjugé national, et, sans se préoccuper des revanches d’Iéna ou d’Auerstaedt, séparer la cause de l’aigle de celle