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Page:Des Murs - Oiseaux de proies nocturnes ou strigidés, 1864.djvu/7

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les trois règnes.

pris et mis en cage. De jeunes Ducs, qui étaient assez familiers pour recevoir la nourriture de la main de leur maître, perdirent un jour toute cette familiarité, et l’on attribua ce changement à ce que la cage de ces oiseaux avait été suspendue, pendant la nuit, en dehors de la fenêtre, et à ce que leurs parents étaient venus leur apporter quelque nourriture au crépuscule. Un autre exemple, rapporté par le docteur J. Franklin, de la même sollicitude maternelle, vient confirmer cette supposition. Un gentilhomme suédois résidait dans une ferme située au pied d’une montagne sur le sommet de laquelle deux Grands-Ducs avaient fait leur nid. Un jour du mois de juillet, un des jeunes ayant quitté le nid fut pris par des domestiques. Cet oiseau était déjà couvert de plumes, mais le duvet se montrait encore. Le jeune Duc fut enfermé immédiatement dans une grande cage à poulets. Le lendemain matin, à la grande surprise des gens de la ferme, on trouva une belle Perdrix morte qui gisait devant la cage. Elle avait été apportée par les parents de l’oiseau, qui avaient sans doute chassé durant la nuit au profit de leur enfant perdu. C’était bien la vérité, car de nuit en nuit, pendant deux semaines, cette marque d’attention fut renouvelée par les pourvoyeurs invisibles. Le gibier si mystérieusement déposé à la porte de la cage consistait surtout en Perdrix pour la plupart nouvellement tuées ; une fois pourtant ce fut un Coq de bruyère, et une autre fois encore les débris d’un agneau. Le gentilhomme suédois et ses domestiques veillèrent pendant plusieurs nuits, se tenant en observation à une fenêtre, afin de voir quand et comment ces provisions étaient apportées ; mais en vain : il paraît que les Ducs attendaient le moment où la surveillance des guetteurs était en défaut, car la nourriture fut trouvée comme à l’ordinaire devant la cage. Au mois d’août, la providence nocturne qui nourrissait le jeune captif cessa ses attentions. On peut voir par cet exemple la quantité de gibier que peut détruire cette grande espèce de Duc.


Le Moyen-Duc, qui est notre Hibou commun, a des habitudes bien différentes : il rôde autour des habitations ; il fréquente les greniers, les granges et les hangars. À l’approche du crépuscule, ces oiseaux s’élancent de l’endroit où ils perchent et battent les champs, les plaines, les haies avec la plus grande attention. On les voit fondre de temps en temps, avec une rapidité de vol et une sûreté de coup d’œil extraordinaire, sur leur gibier, qu’ils saisissent et qu’ils dévorent aussitôt. Ils ne prennent même pas la peine de le déchirer avec leurs griffes. Si pourtant ils ont des jeunes, ils emportent la proie dans leurs serres, et leur adresse, en ce cas, est extraordinaire. Cette proie consiste surtout en Souris. Il est à remarquer qu’au moment d’arriver au nid, ces oiseaux font passer leur proie des serres au bec pour pouvoir se servir de leurs pattes. La nourriture du Moyen-Duc ne se borne pas à des Souris : il vit aussi de Campagnols, de Grenouilles, de Crapauds, et même de divers insectes de tous les ordres.

Le Moyen-Duc est très-commun en France, et il y est sédentaire, tandis que le Grand-Duc ne se montre généralement que pendant l’hiver. On s’en sert avec succès pour la chasse à la pipée, ainsi que d’autres espèces plus petites. Pris jeune, le Moyen-Duc s’apprivoise facilement. Un des amis du docteur Franklin avait un de ces oiseaux aussi familier qu’un chat, et il ne pouvait descendre dans sa cave sans être suivi par ce fidèle compagnon. Il connaissait son nom et venait recevoir la nourriture de la main de son maître.


Le Hibou Brachuyote ou à aigrettes courtes recherche moins habituellement que le Moyen-Duc le voisinage de l’homme ; il préfère, pendant l’été, les lieux montagneux et boisés à l’intérieur des villes et des villages, où se plaisent plusieurs autres nocturnes ; il n’aime pas à se tenir dans les bois de haute futaie, mais plutôt dans les carrières, dans les ruines, et, surtout en automne, à l’époque de ses migrations, dans les jeunes arbres verts, les taillis et les broussailles ou sur le bord des grands bois. Il se retire même sur les terres cultivées, dans les buissons qui bordent les marais et les rivières, et jusqu’au milieu des joncs et des roseaux, où les chasseurs le surprennent quelquefois occupé de la recherche des Grenouilles. Il se laisse approcher au point de ne partir qu’aux pieds du chasseur et au nez des chiens qui l’arrêtent ; Il se nourrit aussi de petits poissons qu’il tire de l’eau avec ses serres ou qu’il trouve morts sur les bords des fossés et des rivières, et ne néglige pas les Rats, les Souris et les Campagnols, dont il fait une grande consommation.

Le Brachyote est remarquable par ses habitudes presque diurnes et terrestres, et par son mode de nidification, qui varierait selon les localités. Ainsi, en France et en Savoie, il se retire dans les antres, les anfractuosités des rochers, les crevasses des bâtiments en ruine et situés dans le voisinage des lacs, des étangs, des torrents et des prairies marécageuses, autour desquels il séjourne pour y chasser une bonne partie de la nuit. La femelle dépose ses œufs sur la pierre, sur le gravier ou sur la terre, quelquefois dans les nids abandonnés des Cresserelles et des Corbeaux. Dans le Nord, et notamment en Irlande, il niche exclusivement dans des trous à terre. Le capitaine Portloch a publié sur cet oiseau quelques observations faites en 1837 par le capitaine Neely pendant ses excursions pour dresser la carte de l’Irlande. Cette espèce, dit M. Portloch, montre des habitudes particulières qui tracent entre elle et ses congénères d’Europe une ligne de démarcation assez prononcée. La pointe de Magilligan, qui forme le rivage de Derry, à l’embouchure du Longh-Foyle dans la mer, est semée à son extrémité de nombreuses collines de sables où les Lapins creusent des terriers et où les oiseaux aquatiques font leurs nids. Mais ici les terriers sont souvent habités par des Brachyotes. Ces oiseaux apparaissent régulièrement en automne, et on les aperçoit à l’entrée des terriers, au fond desquels ils se réfugient quand on les inquiète. Cette observation intéressante,