Le malheur advenu : sa forte main s’allonge
Pensant prendre sa Fille, & serre bien souvent
La mousse verdissante, ou le fuiable vent.
Proserpine luy est incessamment presente :
Elle pense la voir ou malade ou mourante
En accoustremens noirs : les steriles ormeaux
Contre leur naturel sont riches de rameaux.
Le pudique laurier a changé de fueillage,
Luy qui auparavant faisoit si doux ombrage
Autour des chastes lits : une main sans pitié
Luy acablé le chef & arraché le pié.
Elle demande apres aux piteuses Driades,
Qui rend de l’arbre cher les branches tant malades.
On luy dit en pleurant les furies d’embas
D’un fer Tartarien ont causé son trespas.
En fin sans desguiser la face messagere
De son propre malheur se presente à sa Mere
Proserpine liee en obscure prison,
Loing des flambeaux aimez de ce cler orison :
Elle n’aparoist point si belle ny gentille,
Qu’elle fut autrefois au champs de la Sicile.
Allumant d’un regard les vallons plus voisins
Du foudroiant Ætna, quand de ses doits rosins
Elles pilloit les fleurs avec les trois Deesses :
Son poil ne crepillonne en si mignardes tresses :
L’or en est tout souillé des ombres de la nuit.
Le feu de ses beaux yeux si doucement ne luit.
Le coural enflammé de sa bouche vermeille
Estaint sa vive ardeur : sa beauté nompareille
Page:Des Roches - Les Missives.pdf/125
Cette page a été validée par deux contributeurs.