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55Avec les animaux qu’ils suivent erremment.
Je leur feray changer le glan pour le froment.
Pource il est ordonné que Ceres la bletiere,
Apres avoir couru la terre toute entiere,
Aiant tousjours le cueur amerement espoint
60Pensant trouver sa Fille, & ne la trouvant point,
En fin s’esjouyra, aiant cognu le signe
Qui l’asseure du lieu où est sa Proserpine.
Et en faveur du bien ardamment desiré,
Pour lequel son esprit a long temps souspiré,
65Faisant monter son char au dessus de la nuë
Ell’ espandra du blé la semence incognuë.
Or Ceres ne sçait pas le divin ravisseur :
Mais si quelqu’un luy dit, me fust-il frere ou sœur,
Ou espouse, ou enfant, ou quelqu’un de la troupe
70Qui sied entre les Dieux, & qui boit à leur coupe,
Sans doute il sentira que mon foudre puissant
Rabaisse tost l’orgueil d’un desobeissant.
Il maudira cent fois sa nature divine,
Voiant que de la mort il n’est estimé digne.
75Le cler Soleil des cieux à ses yeux ne luyra,
Et vers mon gendre encor son mal le conduira.
L’inviolable nœu qui tient la destinee,
Vous fera observer ma sentence donnee.
Ce dit il esbranla le hautain firmament,
80Et remplit tous les Dieux d’un grand estonnement.
En ce temps là Ceres de sa perte ignorante,
Entre les durs rochers est doucement errante,
Un antre tapissé luy servant d’oreiller,
En fin elle baissa les yeux pour sommeiller,