Et devient à la fin une source liquide :
Les filles sont autour qui luy vont demandant,
Comment est advenu ce piteux accidant ?
Car elle estoit plus pres : sa parole naïve
Se changeant pour le bruit d’une fontaine vive,
Ne peut rien asseurer les filles d’Achelois
Deplorant ce malheur, changent leurs douces vois
Pour des sons trahissans, & d’entre nous ravies
Elles vont espiant les miserables vies
Des pauvres mariniers. Pelore les reçoit,
Et leur chant amoureux plusieurs hommes deçoit.
Seule j’ay demeuré tristement viellissante,
Avec les regrets de ma maistresse absente.
Ceres est furieuse escoutant ce propos,
Son œil est flamboiant, son esprit sans repos.
Ainsi pourroit on voir l’Hircanienne Mere
Trepigner, enrager redoublant sa colere
Lors que le chevalier plus vaincu que vain-cueur
Desrobe tramblotant ses petis & son cueur.
Il semble qu’ell’ attend en sa gorge profonde,
Non pas un homme seul, mais bien tous ceux du monde.
Et voulant l’engloutir un cristal opposé,
L’empesche d’achever ce qu’ell’ avoit osé.
Ainsi tourne Ceres vers la voute celeste,
Ayant le cueur espoint du dueil qui la modeste.
Elle court par l’Olympe, & maine fort grand bruit
Criant, rendez rendez le bien que j’ay produit.
Que pensez vous de moy ? suis-je de peu de grace
Fille d’un Dieutelet, de populaire race ?
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