Luy donnent seulement des souspirs & des larmes,
Et n’osent deceller de crainte de Jupin
Le malheur ordonné du rigoreux destin.
Que fera maintenant la desolee Mere ?
Vaincuë de douleur ell’ use de priere.
Pardonnez (ce dit elle) à mon aspre courroux,
Humble je vous supplie embrassant vos genoux.
Et si la pieté m’a contrainte de dire
Plus qu’il n’estoit seant accusez mon martyre.
Las que je soye aumoins certaine de mon mal,
Si ce ravissement vient d’un ordre fatal
J’avoüe le destin. Mais ô Dieux que je sçache
Où est le ravisseur, & le bien qu’il me cache.
Je ne le reprendray d’une puissante main,
Vous qui me desrobez demeurez-en certain.
Je pardonne le tout, je vous laisse la proie,
Permettez seulement que ma Fille je voie.
Latone avez vous point de Diane entendu
La source de mes maux ? vous est il defendu
De me les reveller ? si vous sentez en l’ame
Le maternel amour de la jumelle flamme,
Que veit naistre Delos, cognoissez la douleur
Que j’ay pour une seule & unique en valeur.
Et si quelque present est gaigné pour ma perte,
Faites le moy sçavoir : ainsi vous soit ouverte
La porte du bonheur durant l’eternité
Voyant en vos enfans vostre felicité.
A ces tristes propos on voit les grands nuages
De ruisselant cristal qui couvre leur visage.
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