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BETTY PETITE FILLE


si elle n’ouvre la bouche, peut passer au dehors pour une princesse balkanique.

Il est vrai que Betty au préalable lui avait enduit le visage d’une crème neigeuse et saupoudré ensuite le tout d’un brin de poudre. Aux pommettes il fallut un peu de rouge et sur les lèvres un vermillon éclatant.

Ainsi, Léontine avec son air bonasse, semblait une douce prostituée, moitié bœuf de labour, moitié poupée intoxiquée.

Betty admira et dansa autour d’elle un pas nègre accompagné de hurlements aigus.

À son tour, elle se fit la figure : ombra ses grands yeux noirs d’un large trait de crayon, aviva sa bouche charnue d’une couche d’écarlate et se jugea parfaite, tout à fait modern-style.

Elle formèrent un couple bizarre : l’une paraissait frappée d’idiotie congénitale, l’autre vicieuse. Pourtant on ne pouvait s’étonner de les voir ensemble, elles s’appareillaient à merveille.

Quand elles sortirent, deux heures sonnaient ; Betty avait pris le commandement de l’expédition. Son premier ordre fut qu’on ne s’offrirait pas de taxi : il faisait meilleur à marcher en sentant peser sur soi les regards lubriques des mâles étonnés.

Léontine ahanait, boitillait, la cheville à chaque