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BETTY PETITE FILLE


Léontine ; celle-ci se sentant en état d’infériorité lorsqu’elle était privée des conseils de Betty, se tenait sur une prudente réserve. L’autre ne put ainsi deviner le souillon sous la demi-mondaine d’occasion, toutefois il avait l’absolue certitude de ne point se trouver en face d’une habituée de l’asphalte. Ce détail surtout l’intéressait, car il avait des projets.

La fillette toujours de sang-froid aux instants décisifs consulta sa montre et donna le signal du départ. Ces escapades lui semblaient trop précieuses pour qu’elle pût risquer de les perdre par une imprudence.

Avec une hautaine tranquillité, elle abandonna les consommations aux hommes qui n’en furent pas surpris. Elle fut heureuse de ce bénéfice inattendu qui laissait les vingt francs intacts. Elle se dit même qu’il devait toujours en être ainsi : dans la vie, une femme intelligente rencontre des hommes qui règlent ses dépenses.

Elle eut un petit « au revoir » protecteur à l’instar d’une grande mondaine et entraîna Léontine en promettant de revenir le lendemain.

Dans la rue, les deux femmes furent saisies par un besoin incoercible de rire. Ce n’était point de la gaîté, mais une sorte de nervosité qui se détendait subitement.