Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/137

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ombres, on dirait que plane et survit l'effroi d'un culte maudit. Je ne serais pas étonné que M. Gauguin, par un naturel contraste, par un esprit de révolte nécessaire, ait gagné là le douloureux amour de Jésus, amour qui, plus tard, lui inspirera ses plus belles conceptions.

En attendant, se lève en lui un être nouveau. La révélation en est presque soudaine. Toutes les circonstances de sa naissance, de ses voyages, de ses souvenirs, de sa vie actuelle, amalgamées et fondues l'une, dans l'autre, déterminent une explosion de ses facultés artistes, d'autant plus forte qu'elle a été plus retardée et lente à se produire. La passion l'envahit, s'accroît, le dévore. Tout le temps que lui laissent libre ses travaux professionnels, il l'emploie à peindre. Il peint avec rage. L'art devient sa préoccupation unique. Il s'attarde au Louvre, consulte les maîtres contemporains. Son instinct le mène aux artistes métaphysiques, aux grands dompteurs de la ligne, aux grands synthétistes de la forme. Il se passionne pour Puvis de Chavannes, Degas, Manet, Monet, Cézanne, les Japonais, connus à cette époque de quelques privilégiés seulement. Chose curieuse et qui s'explique par un emballement de jeunesse, et, mieux, par l'inexpérience d'un métier qui le rend mal habile à l'expression rêvée, en dépit de ses admirations intellectuelles, de ses prédilections esthétiques, ses premiers essais sont naturalistes. Il s'efforce de s'affranchir de