Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/165

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qui tremblent et qui caressent! Et cette terre, rose dans la verdure poudroyante, cette terre qui vit ainsi, qui respire, où sous la lumière fluidique qui la baigne, sous l'ombre — lumière à peine atténuée — dont elle se rafraîchit, se voient, se sentent, s'entendent les organes de vie, l'ossature formidable, la vascularité qui charrie les sèves et les énergies de l'universel amour !... Et ces horizons si empreints de la mélancolie des distances, ces lointains éthérisés qui semblent le seuil de l'infini !

Oh ! je le sais. On a dit de M. Camille Pissarro, comme de M. Claude Monet, qu'ils ne rendaient que les aspects sommaires de la nature et que cela n'était vraiment pas suffisant Le reproche est plaisant, qui s'adresse aux hommes lesquels précisément ont poussé plus loin la recherche de l'expression, non seulement dans le domaine du visible, mais dans le domaine impalpable, ce que n'avait fait, avant eux, aucun artiste européen. Si l'on compare les accords de ton d'un peintre aux phrases d'un écrivain, les tableaux aux livres, on peut affirmer que nul n'exprima tant d'idées, avec une plus abondante richesse de vocables, que M. Camille Pissarro ; que personne n'analysa avec plus d'intelligence et de pénétration le caractère des choses et ce qui se cache sous la vivante apparence des figures. Et la puissance de son art est telle, l'équilibre en est si harmonieusement combiné, que de cette minutieuse