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Il traîne avec effort son âge et son ennui :
Les moutons ont quitté la stérile campagne,
Le chien est resté près de lui.
Mais que sa peine est facile et légère !
Du bonheur qui n’est plus il n’a point à rougir :
Sans trouble, sur un lit de mousse ou de fougère,
Quand la nuit vient, il peut dormir.
Que de riches pasteurs lui porteraient envie !
Combien voudraient donner les plus nombreux troupeaux,
La houlette, la bergerie,
Pour une nuit d’un doux repos !
Et moi, d’amis aussi je fus environnée ;
Mon avenir alors était brillant et sûr :
Vieux berger, comme toi je suis abandonnée ;
Le songe est dissipé… mais le réveil est pur.
Me voici devant la chapelle
Où mon cœur sans détour jura ses premiers vœux :
Déjà mon cœur n’est plus heureux ;
Mais à ses vœux trahis il est encor fidèle.
J’y déposai, l’autre printemps,
Une fraîche couronne, aujourd’hui desséchée…
Cette chapelle, hélas ! dans les ronces cachée,
N’est-elle plus l’amour des simples habitans ?
Seule, j’y ferai ma prière :
Mon sort, je le sais trop, me défend d’espérer :
Eh bien ! sans espérance, à genoux sur la pierre,
J’aurai du moins la douceur de pleurer.