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PRIÈRES.

On a peur d’égarer une âme aux blanches ailes
Dans les sentiers souillés par tant d’âmes cruelles,
Ou de les voir nager dans les flots turbulens
Qui viennent d’épuiser nos bras vains et tremblans.

Ces beaux enfans, si fiers d’entrer dans nos orages,
Rêvant leurs horizons, leurs jardins, leurs ombrages,
Moi, quand je les vois rire à ce prisme trompeur,
Je veux rire, et je fonds en larmes dans mon cœur.
Et vous, n’avez-vous pas de ces pitiés profondes
Qui vous percent le sein, comme feraient les ondes
En creusant goutte à goutte un caillou ? Mille fois
J’ai voulu les instruire, et j’ai gardé ma voix.
Que fait la chèvre errante au rocher suspendue,
Qui rêve et se repent de sa route perdue ?
Ose-t-elle effrayer, penchés sur le torrent
Les chevreaux pris aux fleurs qu’emporte le courant.

Qu’irions-nous raconter à leurs jeunes oreilles ?
Que sert d’en soulever les couronnes vermeilles,