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PRIÈRES.

D’un beau livre, terni sous mes doigts, sous mes pleurs,
Où la Bible aux enfans ouvre toutes ses fleurs :
Pourtant c’est par le cœur, cette bible vivante,
Que je compris bientôt qu’on me faisait savante :
Dieu ! le jour n’entre-t-il dans notre entendement,
Que trempé pour jamais d’un triste sentiment !

Un frêle enfant manquait aux genoux de ma mère :
Il s’était comme enfui par une bise amère,
Et, disparu du rang de ses petits amis,
Au berceau blanc, le soir, il ne fut pas remis.
Ce vague souvenir, sur ma jeune pensée
Avait pesé deux ans, et puis, m’avait laissée.
Je ne comprenais plus pourquoi, pâle de pleurs,
Ma mère, vers l’église allait avec ses fleurs.
L’église, en ce temps là, des vertes sépultures,
Se composait encor de sévères ceintures ;
Et versant sur les morts ses longs hymnes fervens,
Au rendez-vous de tous appelait les vivans.
C’était beau d’enfermer dans une même enceinte,
La poussière animée et la poussière éteinte ;