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PRIÈRES.

Tant de soleils sereins se promener aux cieux,
Vous regardant ensemble et les yeux sur les yeux !
Tu n’y songes donc pas : ces tendres habitudes,
Ces soucis partagés, ces rêveuses études,
Ces printemps, tout chargés d’éclairs, de fleurs, de miel,
À toi, c’était la vie, à moi, c’était le ciel !

Hélas, avant la mort d’où vient que je te pleure ?
De nos doux rendez-vous qui donc a manqué l’heure ?
Le temps va comme il veut ; l’amour s’est arrêté ;
Ne me reviendras-tu que dans l’éternité !

Je pleure… allons, va-t-en. Du haut de ma fenêtre,
Je vais te voir passer : je vais te reconnaître
De ce beau temps d’alors ; et puis, comme autrefois,
Crier à Dieu : Mon Dieu ! vivre est beau : je le vois !

Ne ris pas. Va courir à ton ombre, la gloire ;
Va repeupler ton cœur qui n’a pas de mémoire ;
Va, mais pour t’excuser ne jette rien sur moi :
Je suis à ce détour plus savante que toi.