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Page:Desbordes-Valmore - Contes et scènes de la vie de famille, tome 2, 1865.pdf/20

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LE PETIT BÈGUE.

jeune visage avec je ne sais quel charme comique dont les tourmenteurs étaient aux anges. Quand le rire étouffé s’éteignait une seconde pour reprendre haleine, un de ces messieurs venait poser adroitement sur le nez sans défense du dormeur un long cornet de papier terminé en trompette, et les applaudissements n’osant éclater, de peur, disaient-ils de réveiller la bête, un hourra général, traduit par des coups de talon imitatifs, faisait rouler la joie autour de cette bande de petits anges tombés, permettez-moi de leur donner ce nom, bien qu’ils aient pu se relever plus tard.

On avait coiffé René des plus risibles bonnets, on venait de l’étendre tout de son long par terre, pour jouer au mort, disaient-ils, sans qu’il eût donné d’autre signe de vie que ses contractions nerveuses des yeux et des lèvres qui les faisaient mourir de rire, quand un plus hardi, voulant réchauffer la scène, dit à son voisin : — Tiens-le ! tiens-le ! — et vint porter jusque sous ses narines entr’ouvertes la flamme épaisse d’une lampe qu’il détacha du mur.

René ne poussa qu’un rugissement sourd, comme un jeune lion qui n’a pas encore combattu, mais dont on provoque imprudemment la force. Il se soulève à demi, les yeux encore baignés de sommeil et de ses