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Page:Desbordes-Valmore - Contes et scènes de la vie de famille, tome 2, 1865.pdf/21

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LE PETIT BÈGUE.

derniers pleurs, saisit par les jambes les deux assaillants effrayés, les roule avec lui, sous lui, les crible de coups de poing, de coups de pied qui tombent si heureusement à leur adresse, qu’on n’entend plus rire, mais crier :

— Aïe ! tu me casses la tête !

— Tu m’étrangles ! À moi, Jules ! Achille, à moi ! Au secours, monsieur le recteur !

Le recteur accourt en effet, au milieu de ce combat nocturne dont les témoins cherchent à se sauver, en criant : « Ce n’est pas moi ! » et dont le vainqueur, toujours endormi, tape comme un désespéré sur le cauchemar dont il ne devine seulement pas la forme. Il continue néanmoins de rugir et de se battre instinctivement avec tant de vigueur et de courage, qu’il les eût étranglés peut-être dans une entière innocence, comme Hercule au berceau mit à mort les serpents qui venaient s’attaquer à son sommeil.

Plus personne, ni cette nuit, ni jamais, n’eut dans le dortoir la fantaisie d’aller passer une plume ou du feu dans les naseaux de la bête, bien que René ne se fût pas réveillé une seconde dans l’orgueil de la victoire. Il n’en eut pas même le souvenir, en se retrouvant le lendemain dans un lit qu’il ne connaissait pas encore, qui n’était plus près de celui de sa mère ! et