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Page:Desbordes-Valmore - Contes et scènes de la vie de famille, tome 2, 1865.pdf/33

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LE PETIT BÈGUE.

confus, des fils noués entre eux pour l’avenir tout entier, lui faisaient chercher, contempler comme son sauveur. Bénédiction ! il revenait à la vie par la reconnaissance. Leurs yeux ne pouvaient se détacher l’un de l’autre.

— Oh ! comment t’es-tu jeté ainsi sans savoir nager ? lui demande-t-on en l’accablant de caresses et de questions.

— Je ne l’ai pas senti, réplique René avec feu ; tout ce que je sais, c’est que j’étais sur les cailloux, et que tout d’un coup je me suis trouvé dans l’eau : j’ai vu clair, j’ai vu jusqu’au fond, j’y suis descendu comme par un escalier glissant ; j’ai trouvé sa tête, j’ai dit : Bon !… à présent, il faut revenir. Et j’ai poussé devant nous. Le chemin s’ouvrait tout seul, je n’ai pas eu de peine ; seulement, j’ai cru une fois qu’il s’enfonçait sous moi, et j’ai coulé dessous pour voir. Alors avec deux bons coups de pied, si forts que je n’en respirais plus, j’ai tout jeté de ce côté, lui et moi : et le voilà !… termina-t-il avec un rire plein de larmes.

Il ne bégayait plus.

— Tu parles comme tu nages ! lui dit le précepteur transporté d’admiration, en lui secouant la main, tandis que les autres faisaient cercle pour écouter son récit plein de candeur.